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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/104

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repose pas sur une base scientifique, mais qui est fondée seulement sur des théories métaphysiques : ce qui le prouve bien, c’est ce passage de la préface où M. Icard trouve très heureuse l’intervention de la médecine mentale dans les affaires de la justice : « Et nous, médecins, dit l’auteur, nous ne saurions trop faire de notre côté pour cultiver et répandre ces deux branches d’une même science (la médecine mentale et la médecine légale), qui est celle de la justice entendue, non suivant les lois conventionnelles des hommes, mais suivant les lois éternelles et immuables de la conscience, de la morale et de la raison, science par excellence, car elle est celle qui nous rapproche le plus de la divinité. » Le point de départ de l’auteur est, contrairement à ce qu’il pense, absolument extra-scientifique, et je crois qu’il faut au contraire réagir contre la tendance déplorable due d’ailleurs aux médecins, qui pousse à accorder de plus en plus les bénéfices de ce que l’on appelle l’irresponsabilité à une foule de dégénérés et de déclassés, qu’une punition sévère mettrait en dehors de la société, au grand bénéfice de celle-ci.

Il est d’ailleurs à remarquer, quoique l’auteur admette l’existence de l’irresponsabilité, que ses conclusions sont suffisamment pratiques, car il croit, avec M. le professeur Bail, qu’un aliéné homicide doit être renfermé toute sa vie durant, présenterait-il à un instant donné les signes d’une guérison certaine. Il admet aussi que l’on puisse séquestrer au moment de ses règles toute femme dont l’état mental, à ce moment, présenterait quelques dangers pour la société.

Nous ne discuterons pas davantage le point de vue médico-légal, j’aime mieux attirer l’attention du lecteur sur le côté purement médical. Une grande érudition, et de nombreuses observations viennent démontrer la justesse de la thèse de l’auteur, qui d’ailleurs, comme il l’avoue lui-même, n’est pas le premier à la soutenir. Il range, avec raison, la menstruation dans l’état puerpéral, comme le fait M. Pajot, et il attache une importance particulière au moment où les règles s’établissent et où elles finissent, c’est-à-dire à la puberté et à l’âge critique. Mais ces deux époques, tout en s’accompagnant de phénomènes spéciaux du côté des organes génitaux, appartiennent à l’ensemble du développement de l’individu plutôt qu’à la menstruation proprement dite. C’est dans l’âge adulte que la femme peut, rien que par ses règles, se trouver dans un état spécial qui dépasse la simple indisposition si fréquente. La prédisposition héréditaire est la condition générale qui domine l’étiologie de toutes les folies dites sympathiques ; mais en outre l’auteur paraît accorder à la pléthore un rôle important. Dans l’aménorrhée, la ménorrhagie et la dysménorrhée, il y aurait une action directe et immédiate sur le cerveau ; dans d’autres cas, l’action se porterait d’abord sur un autre organe qui réagirait à son tour sur les centres nerveux. Malheureusement il reste encore un doute touchant l’existence de troubles mentaux bien caractérisés en l’absence de toute prédisposition héréditaire, et l’auteur ne me paraît pas avoir établi net-