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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/106

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C’est de ce passage dans la substance fondamentale grise que dépend l’existence de la conscience. Tout cela est bien de l’hypothèse pure, il me semble. M. Mercier, après avoir donné une explication assez sommaire mais claire des phénomènes essentiels de l’esprit, ajoute cette phrase : Les sensations (feelings) accompagnent la décharge de la substance grise ; les relations perçues par la conscience entre ces sensations (thoughts) accompagnent les décharges nerveuses de centre à centre. Je crois que voilà encore une localisation cérébrale un peu aventurée. Le chapitre consacré à l’esprit est clair et suffisant pour comprendre le restant du volume consacré à la folie. L’esprit est composé de sensations (feelings) et de rapports de sensations (thoughts) ; ces phénomènes mentaux sont l’ombre de phénomènes matériels se passant dans les régions les plus élevées du système nerveux et qui aboutissent à l’acte. Cet acte a pour résultat l’adaptation de l’organisme au monde extérieur, ce qu’on peut appeler d’un seul mot la conduite (conduct). La sensation est un état de l’organisme adapté à l’action réciproque du corps et du milieu extérieur. Le phénomène proprement intellectuel (thought) est l’adaptation de relations dans l’organisme à des relations dans le milieu extérieur.

En somme la fonction du système nerveux suprême est l’adaptation de l’organisme au monde extérieur. De cette définition découle la définition suivante de l’aliénation : l’aliénation est un désordre dans le processus d’ajustement au monde extérieur, dû à une lésion du système nerveux, elle se manifeste par des désordres dans la conduite et dans la conscience ; comme la conscience consiste en sensations et en rapports de sensations et qu’elle peut être divisée en deux portions, la conscience du moi et la conscience de la relation du moi avec l’extérieur, tout cas d’aliénation comporte un désordre dans ces différents facteurs, et c’est dans la combinaison des altérations de ces divers facteurs qu’il faut chercher la base d’une classification.

Les deux causes de l’aliénation sont l’hérédité et le traumatisme (stress) (ce mot de traumatisme pris dans son sens le plus large). La première loi de l’hérédité, bien connue, est que les descendants tendent à hériter de chaque particularité des parents. La deuxième, que M. Mercier a appelée the law of sanguinity, est la suivante : « il y a un certain degré de dissimilarité (sanguinity) entre les parents qui est le plus favorable pour la production de descendants bien organisés ; les parents qui sont plus semblables (consanguine) ou plus dissemblables (exsanguine) auront (s’ils en ont) des descendants qui seront d’une organisation inférieure en proportion de l’éloignement des parents du point de ressemblance le plus favorable ». Le chapitre consacré au développement des conséquences de cette loi est plein de détails intéressants et de vues un peu trop hypothétiques, dont la discussion allongerait outre mesure ce compte rendu. À propos des causes de l’aliénation autres que l’hérédité, à savoir le traumatisme direct ou indirect, physique ou mental, je relève en passant une explication ingé-