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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/121

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société de psychologie physiologique

Or, il me semble que cette thérapeutique externe peut s’appliquer utilement aux somnambules criminels, qui, dans la condition seconde, comprendraient parfaitement la cause de leur séquestration et l’utilité pour eux de ne plus la mériter.

Je suis persuadé que Marie, dans de nouveaux accès de somnambulisme, après l’éclaircissement de son aventure, se fût bien gardée de tout acte susceptible d’interprétation défavorable. De même, un somnambule réellement criminel se rappellerait, en condition seconde, l’acte coupable commis par lui, comprendrait qu’il en subit le châtiment et s’appliquerait à ne pas tomber en récidive. C’est affaire d’appréciation de la part des magistrats, après examen et rapport d’une commission médicale compétente.

Jadis, je répondais à M. le Dr Azam[1], qui, après avoir consulté plusieurs magistrats, penchait vers l’admission d’une responsabilité limitée : « Qui donc oserait prononcer une condamnation pour un crime commis pendant l’accès, ou la condition seconde ? » Ai-je donc changé d’avis ? Ce n’aurait été qu’obéir à la loi d’évolution. Mais non : je ne demande pas plus qu’alors une condamnation, mais je trouve nécessaire une précaution — qui ressemble à la condamnation par ses effets, c’est vrai, tout en ne privant pas de l’estime publique le somnambule criminel, digne, au contraire, de commisération.

Leur détention même ne devrait pas avoir lieu dans une prison, mais dans un des établissements spéciaux dont il est parlé dans le Rapport de M. le Dr Th. Roussel (section III), au nom de la Commission sénatoriale chargée du projet de révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés (1884). Il n’en est pas de même de l’inconscience produite par l’ivresse ou l’alcoolisme, qui, loin d’être admise comme circonstance atténuante, devrait constituer au contraire une circonstance aggravante.

Au cas où le crime serait commis dans l’état de somnambulisme provoqué ou d’hypnotisme, et pour obéir à une suggestion imposée, il est évident qu’il y aurait lieu à condamnation — au sens ordinaire du mot — mais contre le magnétiseur ou l’hypnotiseur (M. Liégeois, de Nancy, a traité magistralement la question)[2].

Mais comment connaître le coupable ? On pourrait songer à faire hypnotiser le sujet par une autre personne, qui lui ordonnerait de révéler le nom de l’auteur de la suggestion criminelle ; mais d’abord, les hypnotisés ont généralement la prétention d’agir spontanément, sans suggestion étrangère ; le sujet déclarerait donc probablement que le crime est dû à son initiative personnelle, mais sans qu’il en connaisse le motif.

De plus, le suggestionneur primitif n’aurait pas manqué de lui

  1. Revue scientifique du 8 mars 1879.
  2. De la Suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit civil et le droit criminel, par Jules Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy, mémoire lu à l’Académie des sciences morales et politiques (Paris, Alph. Picard, 1884).