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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/152

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VI

En résumé, soit par son but, soit par ses procédés, l’art est chose essentiellement sociale, éminemment propre à la conciliation supérieure des désirs et au gouvernement des âmes. Mais une conclusion si vague ne peut nous suffire, et ce sujet est si complexe que nous demandons à le reprendre pour le serrer de plus près et aboutir à des idées plus précises. Tout ce qui précède, à vrai dire, n’est qu’un simple préliminaire de ce qui va suivre.

Tâchons d’abord de mieux préciser les différences entre l’industrie et l’art. Ici, comme partout d’ailleurs (remarque qui semble échapper à la plupart des évolutionnistes, et dont l’oubli détourne de leur doctrine nombre d’esprits nets), la continuité des transitions n’empêche pas la netteté des distinctions. La continuité des nuances, loin d’empêcher la discontinuité des couleurs, la suppose. Quoique l’ingénieur, par exemple, soit toujours plus ou moins architecte, et l’architecte plus ou moins ingénieur, et que l’architecture même ne soit jamais qu’un art plus ou moins industriel, il n’en est pas moins vrai que, chez l’architecte comme chez l’ingénieur, la qualité d’artiste et celle d’industriel diffèrent profondément. — Or, en fait d’art ou d’industrie n’importe, commençons par distinguer entre les désirs de consommation et les désirs de production. Parlons des premiers.

Il n’est pas, dans la société la plus raffinée, un désir quelconque du public qui n’ait en partie sa source dans les impulsions naturelles ; et il n’en est pas un, non plus, qui s’explique uniquement par elles. À cet égard, il n’y a qu’une différence de degré, importante il est vrai, entre l’industrie et l’art. Un besoin purement naturel, exclusivement formé par l’instinct hérité des parents sans aucune influence sociale de l’exemple, un besoin tel que celui de manger n’importe quoi de nutritif, ou de boire n’importe quoi de désalté-

    moment où elle a été mûre pour sa transformation phonétique. — Le contraste du droit quiritaire qui décline à Rome, à mesure que le droit prétorien grandit, peut se rattacher à l’ordre des faits précédents. Le droit prétorien se modelait sur les besoins de la nature humaine, types en quelque sorte extérieurs au droit et imposés à l’art du juriste ; et le droit quiritaire était la conformité littérale à des types juridiques du passé. Dans la période historique qui nous est connue, nous voyons celui-ci reculer devant l’autre ; mais il est probable que, au contraire, pendant la période inconnue, très antérieure au droit prétorien, où le droit quiritaire s’est formé, il a dû refouler, en grandissant, des habitudes de vie barbare plus conformes que lui aux inclinations physiologiques, aux besoins naturels de la race.