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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/226

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suite la corporéité (conséquence en tout cas aristotélique) Mas il élève des lors contre l’unité l’objection (976 a 21) ἔτι εἰ ἄπειρόν ἐστι, πῶς ἂν εἴη ἒν σῶμα ὅν.

Cette objection, que l’auteur du traité de Melisso dirige contre le Samien, est précisément fondée sur l’argumentation contenue dans le fragment 16. L’inauthenticité de ce fragment est donc établie par une preuve des plus graves.

Comment se trouve-t-il donc dans Simplicius ? C’est que ce dernier aura commis l’inadvertance, par suite du préjugé qu’il s’était formé sur les opinions de Mélissos, de lui attribuer un raisonnement dirigé contre lui[1]. Il aura développé cet argument pour le mieux faire comprendre, dans la seconde partie du fragment 16. Il se sera trompé lui-même et nous aura tous trompés après lui, jusqu’à la remarque due à Apelt.

Dira-t-on qu’en croyant aujourd’hui constater son erreur due à un préjugé, nous tombons précisément dans l’erreur que nous lui reprochons, parce que nous avons d’avance conçu le préjugé que Mélissos n’avait pas pu s’élever, plus que les Éléates antérieurs, au véritable monisme trancendantal ? Il faut au moins reconnaître que la recherche sincère de la vérité suit une route semée d’embûches, plantée de jalons à indications contradictoires. Mais il n’y a pas, pour cela, à désespérer du but ; comme l’a dit Bacon, multi pertransibunt et augebitur scientia.

Paul Tannery

  1. La confusion peut s’expliquer facilement, si Je manuscrit lu par Simplicius portait quelque glose marginale développant l'aporie de l’auteur du traité de Melisso.