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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/244

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phase homogène ; que, dans la monère, par exemple, au moment où elle s’immobilise et prend la forme sphérique, se passe un phénomène de remaniement : toute sa substance corporelle se brouillerait pour ainsi dire, comme des particules de densités différentes dans un liquide qu’on agite, et la division n’aurait lieu que lorsque les deux moitiés ont toute chance d’avoir la même composition.

Dans les amibes, qui ont un noyau et qui le gardent, c’est à la fois le noyau et le protoplasme enveloppant, qui passent, chacun pour soi, par une phase homogène, et le plan de diremption traverse l’un et l’autre.

Je suis ainsi porté à penser que le travail qui se fait dans la stylonichie en train de se bipartir, est un travail analogue. Le noyau se fond, si je puis ainsi dire, de son côté, pendant que le reste du corps se fond du sien, et c’est l’animal ainsi refondu qui se fissipare.

Les travaux les plus récents de MM. Flemming, Waldeyer, Ed. Van Beneden, etc., confirment cette façon de voir. Tous les phénomènes de la karyokinèse tendent visiblement à rendre symétriques les deux moitiés du noyau qui va se diviser. Dans l’œuf fécondé, cette similitude s’établit successivement dans les trois plans perpendicu-

    d’elle. Quand un être se divise spontanément, c’est qu’il s’est produit, il faut bien l’admettre, une opposition dans l’intérieur de sa substance, et que toute la masse est soumise à l’action de forces polarisées. (N. B. Quand j’écrivais ces lignes, M. Ed. Van Beneden n’avait pas découvert les sphères attractives qui jouent un si grand rôle dans la segmentation de l’œuf fécondé.) Les deux moitiés ne sont donc pas identiques, malgré les apparences parfois contraires. Déjà, au point de vue uniquement géométrique, le corps, fût-il même symétrique, se séparerait en deux moitiés non égales, mais inverses, comme le sont les deux mains, et la moitié de gauche ne pourrait prendre la place de la moitié de droite… Désignons donc l’une de ces moitiés sous le nom de mâle, l’autre sous le nom de femelle… Chacune d’elles va se livrer à un travail d’élaboration dans le but de se procurer ce qui lui manque. Or, dans la génération par sexe, ce travail est épargné. Les deux moitiés indispensables pour former un être complet proviennent de deux individus de sexes opposés et s’unissent dans l’acte de la conception. En somme, il y a fusion entre les produits opposés de deux organismes fissipares. (N. B. L’œuf et le spermatozoïde ressemblent à des demi-cellules sous le rapport de la composition nucléaire.)

    « Qu’est-ce que l’œuf ? Qu’est-ce que le spermatozoïde ? Ce sont de simples produits de la division de ce que j’ai appelé le noyau central, et ils en ont naturellement toutes les qualités, tous les caractères. Le noyau a conservé le mode primitif de multiplication, et, dans le fait, il n’y en a pas d’autre. La substance vivante peut atteindre un degré merveilleux de complexité, sans cesser pour cela de présenter une homogénéité relative… La nutrition et la génération donnent à la matière sensible une vraie immortalité. Chez l’individu la faculté assimilatrice a un terme, la mort… Mais cette disparition de l’individu est illusoire ; il se retrouve, non pas métaphoriquement, mais en réalité, dans ses descendants. »

    Rapprocher de ce passage — inspiré par la spéculation — un passage caractéristique — fondé sur l’observation — de M. Ed. Van Beneden dans ses Recherches sur la maturation, la fécondation et la division cellulaire, 1883, p. 620. Ce passage est reproduit en note quelques pages plus bas (p. 241).