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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/245

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j. delbœuf. — pourquoi mourons-nous ?

laires suivant lesquels, tour à tour, la bipartition se fait, et le cycle est complet quand, de la cellule primitive, sont sorties huit cellules.

Je me rends bien compte que ce sont là des hypothèses auxquelles l’observation pourra donner un démenti partiel ou même absolu — il y a déjà un démenti partiel dans le fait que la bipartition peut se faire artificiellement par section violente (mérotomie) ; mais a-t-on suffisamment porté son attention sur le sort réservé à ces générations d’amputés ? — Toutefois elles ont l’avantage de fournir un point d’appui à l’imagination, et il n’y a nul inconvénient à raisonner comme si elles étaient, ainsi que je le crois, justifiables.

Au moment donc où la stylonichie se prépare à la bipartition, elle a gardé son individualité physique, mais non son individualité psychique. Pour nos yeux qui n’ont pas perdu de vue sa masse corporelle, cette masse est encore cette même stylonichie qui, un instant auparavant, cherchait une proie ; mais pour notre esprit qui prévoit ce qui va arriver, cette stylonichie a perdu son identité consciente, elle est tombée dans une syncope dont elle ne reviendra plus comme telle. Ainsi, à une certaine espèce de sommeil qui saisit parfois Félida X…[1] succède le réveil d’une personne autre.

Maintenant l’identité psychique serait-elle, chez ces petits êtres, attachée à un organe propre, à une sorte de nœud vital ou de cerveau, ou bien aune matière spéciale disposée d’une certaine manière dans leur organisme ? La question, déjà bien ardue quand elle a rapport aux animaux supérieurs, l’est à plus forte raison pour ces animalcules qui échappent presque à notre vue. Mais, s’il en était ainsi, cette matière ou cet organe se diviserait lui-même — du moins nous devrions l’admettre. Après tout, l’œuf humain fécondé contient une portion du cerveau de ses parents — nous verrons plus tard comment. Dans tous les cas, les rejetons d’un infusoire ne peuvent se considérer comme continuant l’individualité de leur ancêtre.

Dans une note[2], M. Maupas semble approuver cette manière de voir, qui, d’ailleurs, ne diffère pas profondément de celle de M. Weismann : « Dans tout ce qui précède, dit-il, je n’ai tenu aucun compte de l’opinion des auteurs qui, comme Götte et Mœbius, voient un

  1. Félida X… est cette personne à double personnalité dont le Dr Azain a fait l’histoire. Dans sa condition première, elle ignore ce qu’elle a fait dans sa condition seconde, mais l’inverse n’a pas lieu. De plus, dans sa condition première, son langage et son caractère ne sont pas les mêmes que dans sa condition seconde. Un sommeil, d’une nature spéciale, précède toujours chaque changement d’état.
  2. P. 269.