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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/246

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acte équivalent à la mort naturelle, dans les phénomènes d’enkystement et de division fissipare. Ces thèses erronées ont été trop bien refutées par Weismann et Delbœuf, pour que j’aie cru devoir y revenir. Je suis complètement de l’avis du premier de ces savants : la mort implique nécessairement un cadavre. Dans l’enkystement et la division fissipare, il n’y a pas de cadavre, donc il n’y a pas de mort. La cessation d’individualité, qui accompagne la division, est un phénomène qui n’a rien de commun avec l’arrêt physiologique causé par la mort naturelle. »

Mais s’il se rallie à cette opinion de M. Weismann qu’il n’y a pas de mort sans cadavre, il est peu disposé à accepter cette autre opinion du même penseur que la mort n’est pas le terme obligé de toute chose vivante[1]. Pour la combattre, il s’appuie sur ses propres expériences, et conclut par adopter ma manière de voir sur la cause de la mort. Voici le résumé de cette partie de son étude.

L’idée de M. Weismann, dit-il, n’est pas précisément neuve. Elle se trouve explicitement énoncée dans Ehrenberg[2] Mais déjà, Dujardin, moins enclin aux fantaisies a priori, se demandait si le mode de propagation par fissiparité est vraiment illimité, ou bien s’il a un terme reparaissant périodiquement[3]. C’est précisément à cette dernière conclusion qu’ont abouti ses propres recherches.

M. Weismann a échafaudé son système sur deux notions, dont il fait des axiomes : 1o les monoplasides (les êtres monocellulaires) ignorent l’usure physiologique ; 2o leur propagation par division fissipare a pour conséquence l’équivalence absolue de toutes les générations issues d’un premier progéniteur.

De ces deux axiomes, le premier est complètement faux ; le second est en partie inexact, en partie vrai. C’est ce qui ressort à l’évidence des expériences et des observations qui viennent d’être relatées. Certes, les deux moitiés d’un même progéniteur sont, en général, équivalentes ; mais cela ne veut pas dire que chacune d’elles équivaut au progéniteur, puisque, après cinquante, cent bipartitions, il se manifeste une dégénérescence visible. En l’absence de toute preuve expérimentale, les assertions de M. Weismann sont donc de pures affirmations spéculatives.

  1. Voir Matière brute, etc., préface ; ou Revue philosophique, juin 1884.
  2. Die Infusionsthierchen, etc., 1838, p. xiii, §  ii : « La propagation des infusoires par divisions fissipares, supprimant toute probabilité de destruction possible de l’individu, leur confère une permanence potentielle et une dissémination dans les mers et l’espace, qui, envisagées poétiquement, ressemblent à l’immortalité douée d’une éternelle jeunesse. Ils se subdivisent à l’infini en parties nouvelles vivant d’innombrables années d’une jeunesse sans fin. »
  3. Infusoires, 1841, p. 87.