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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/248

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et les mécanismes jouer avec une perfection de moins en moins précise. »

Je pourrais ajouter que la prétendue monère même, dans son existence individuelle, subit des altérations et vieillit, puisqu’il arrive un moment où son individualité disparaît pour faire place à deux autres. À ce moment, n’y a-t-il vraiment rien de rejeté, n’y a-t-il vraiment pas de cadavre ? C’est possible, mais les cadavres ne peuvent-ils pas se montrer plus tard d’une certaine manière, comme il arrive chez les stylonichies après la 316e bipartition ?

Je voudrais renforcer l’argumentation puissante de M. Maupas.

La vraie difficulté, M. Weismann la sent parfaitement : l’on peut affirmer à certains égards que tout ce qui vit est destiné à mourir, ou tout au moins à disparaître, puisque aucune individualité ne se montre à nous comme immortelle. D’un autre côté, la substance vivante se perpétue indéfiniment dans l’espèce, puisque l’espèce ne périt que par accident, soit dans sa lutte contre d’autres espèces, soit par défaut de nourriture ou changement climatérique. Cette perpétuité est assurée par la nutrition et la division, et elle réside, chez les organismes supérieurs, dans les organes génitaux. Mais si, comme le soutient M. Weismann, les organismes inférieurs ne se composaient que de substance reproductrice, on se demande comment, immortels par essence, ils auraient légué la mortalité aux tissus, créés par eux, qui, dans la suite, par un effet de la division du travail, se sont chargés spécialement des fonctions nutritives. M. Weismann nous dit bien que les cellules protectrices ou somatiques s’usent dans leur contact avec l’extérieur ; mais pourquoi s’usent-elles, lorsque les cellules génératrices ne s’usent pas ? Pourquoi sont-elles les filles mortelles d’une mère immortelle ? Je ne puis me défendre de constater un saut dans le raisonnement du savant penseur, en admettant même comme exactes toutes les allégations sur lesquelles il se fonde.

Le lecteur a maintenant une idée fidèle de l’important travail de M. Maupas, où tout d’ailleurs est à lire. Comme on a pu le voir, lui et moi avons à peu près les mêmes vues, et, sur le point capital, l’origine de la mort, l’accord est complet ; il la place, lui aussi, dans l’usure d’un mécanisme essentiel à l’exercice de la vie. Je me propose toutefois de déterminer tantôt d’une manière plus précise le caractère de cette usure.

Mais ses recherches ont encore une autre portée considérable. M. Weismann avait, par ses théories, creusé un abîme infranchissable entre les protozoaires immortels et les métazoaires mortels.