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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/249

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j. delbœuf. — pourquoi mourons-nous ?

Tous ses efforts pour jeter un pont qui permît d’aller des uns aux autres devaient nécessairement échouer. Il n’y a pas de passage de l’immortel au mortel. M. Maupas a supprimé l’abîme. Les protozoaires, de même que les métazoaires, sont mortels comme individus ; ils ne sont immortels que dans et par l’espèce. C’est ce contraste de la mortalité individuelle en regard de l’immortalité spécifique qui fait naître la question : Pourquoi mourons-nous ?

III

Les idées de M. Maupas sur la dégénérescence sénile et l’insexualité des infusoires.

Si M. Maupas a rattaché aux métazoaires les protozoaires, à qui M. Weismann assignait une place absolument à part, il ne laisse pas cependant de les douer de particularités qui empêcheraient de les relier par degrés insensibles aux animaux supérieurs. Tenus pendant quelque temps de se propager par fissiparation, les uns s’achemineraient vers un premier degré de dégénérescence sénile, en même temps que d’autres acquerraient la faculté de se rajeunir en se réunissant deux par deux, et en échangeant des portions de leur organisme ; enfin ces portions n’auraient pas de sexe, elles seraient constitutionnellement indifférentes. Ce sont là toutes propositions discutables.

Parlons d’abord de cette dégénérescence prétendument sénile.

Si je conçois facilement l’usure du mécanisme vital chez l’individu, je ne conçois pas du tout ce que peut être la transmission de ce mécanisme unique en deux exemplaires de qualité inférieure. Je crains qu’il n’y ait là un transport illégitime d’une image, justifiable dans un cas, à un cas tout différent.

Qu’à la longue il y ait dégénérescence, c’est là un fait indéniable. Mais le mot n’explique rien. Il a tout juste autant de valeur que les termes d’attraction, de gravité, d’affinité, de répulsion, de cohésion, et mille autres métaphores d’un usage constant dans les sciences, pour désigner le dessous inconnu des phénomènes.

Il n’en est pas tout à fait de même de l’adjectif sénile. Il qualifie, en la spécifiant, la dégénérescence dont il s’agit. Il signifie que l’altération subie par les stylonichies est semblable à celle que l’âge fait subir à nos tissus et à nos organes. Par conséquent, une stylonichie qui se divise, met au monde des individus, non pas plus jeunes, mais plus vieux qu’elle, et ses derniers produits sont des