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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/250

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vieillards. On peut le dire sans doute, mais par figure littéraire, en prenant le mot sénilité dans un sens différent de son sens usuel. Car, d’ordinaire, on ne qualifie pas de vieux un rejeton nouveau-né, si chétif, si malingre, si rachitique qu’il puisse être ; et nous verrons plus tard qu’en cela on a raison, scientifiquement parlant.

Or, si les derniers rejetons des infusoires se propageant par générations agames sont des vieillards, la sénescence a dû commencer dès la première bipartition. C’est ce que d’ailleurs M. Maupas concède au fond et doit concéder, car il a réfuté M. Weismann par ce même raisonnement. Voici en effet les lignes, non exemptes de contradictions, par lesquelles il termine son mémoire[1] : « Nous n’avons aucune raison de penser que ce déclin commence avec l’aurore même de la vie, et que les processus séniles comprennent toutes les périodes des cycles cellulaires. Je crois bien plutôt que pendant les premières périodes d’un cycle, la sénescence n’a encore aucune action pernicieuse sur les éléments cellulaires. Les mécanismes possèdent encore toute leur perfection, et le jeu des fonctions s’exécute sans déperdition. Le pouvoir d’assimilation prévaut sur les phénomènes de désassimilation. L’organisme se nourrit et s’entretient sans peine dans un bon équilibre fonctionnel. Ce n’est que plus tard, lorsque l’usure a commencé à se faire sentir aux mécanismes organiques, que cet équilibre s’altère peu à peu. C’est alors seulement que débute la vraie sénescence, et qu’elle ne tarde pas à se manifester avec tout son cortège de dégradations et d’altérations. »

Comme on le voit, M. Maupas est obligé de distinguer une fausse et une vraie sénescence, l’une précédant l’autre. C’est reconnaître que le mot est mal choisi. Car si les fruits d’une fissiparation étaient plus vieux que le parent, comprendrait-on bien comment, par l’effet de la conjugaison, deux vieillards se rajeunissent, grâce à l’échange d’éléments séniles ?

On va me dire peut-être que des époux déjà mûrs peuvent procréer des enfants vigoureux. Cette objection reposerait sur une assimilation grossière. Ce qui vieillit chez nous et les autres êtres sujets à la mort, c’est l’enveloppe protectrice des organes reproducteurs ; mais ceux-ci, arrivés à leur maturité, restent longtemps jeunes. De plus, dans la génération par fécondation, deux individus concourent à la procréation d’un seul. À l’union de l’œuf et du spermatozoïde succède un œuf fécondé, pas davantage, tandis que, de la conjugaison de deux infusoires, sortent deux infusoires. Il n’y a pas de perte ; au contraire. Or, si l’on peut faire une montre neuve avec

  1. P. 274.