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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/251

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j. delbœuf. — pourquoi mourons-nous ?

deux vieilles montres, pourvu que, rejetant les rouages usés, il reste suffisamment de rouages non usés, on n’en fera certainement pas deux neuves. Le vieux ne peut redevenir jeune que par miracle.

Dès lors une première conclusion s’impose, et M. Maupas y adhère implicitement dans les lignes que je viens de transcrire ainsi que dans son mémoire ultérieur sur le rajeunissement des infusoires ciliés : c’est que, pendant les premières périodes du cycle, il ne peut être question de sénescence. Les infusoires qui se conjuguent sont dans la fleur de la jeunesse, et la conjugaison consiste, quand elle doit être féconde, dans l’échange d’éléments également jeunes et vigoureux, qui peuvent être semblables en apparence, mais qui, en réalité, sont de polarités opposées ; c’est-à-dire qu’avant l’échange, ils sont en trop chez l’un, en trop peu chez l’autre, et l’échange a précisément pour effet de rétablir l’équilibre. C’est ainsi que deux gants de la main droite ou de la main gauche ne font pas une paire de gants, mais qu’avec deux de la première espèce et deux de la seconde, on peut former deux paires. Ainsi encore deux paquets de cartes peuvent ne constituer ni l’un ni l’autre un jeu, bien qu’on puisse tirer deux jeux de leur combinaison.

Le rajeunissement des infusoires est ainsi un phénomène analogue à la fécondation de l’œuf par le spermatozoïde. L’assimilation serait tout à fait juste si l’œuf et le spermatozoïde étaient tous deux hermaphrodites et contenaient, le premier, un spermatozoïde, le second, un ovule, susceptibles de se féconder de leur côté. C’est peut-être ce qui a lieu en partie. Seulement ce deuxième spermatozoïde et ce deuxième œuf seraient à l’état atrophique, incapables de s’unir d’une manière efficace, et seraient rejetés plus tard comme inutiles.

C’est là f opinion que mon ami M. Ed. Van Beneden appuie sur de savantes observations, et qui — quoique fortement combattue — pourrait bien finir par prévaloir dans la science. Toutefois, pour des raisons que j’indiquerai plus tard, je serais porté à regarder l’œuf seul comme hermaphrodite : en lui se passerait comme une lutte pour l’existence entre éléments de sexes différents, et le mâle serait dévoré. Ce que l’on appelle les globules polaires seraient, pour ainsi dire, les résidus de la digestion.

Après tout, la fécondation elle-même est, dans son essence, l’absorption du spermatozoïde par l’œuf[1].

  1. Voici comment s’exprime M. Ed. Van Beneden dans un passage auquel j’ai fait allusion plus haut : « Je ne considère pas la fécondation comme une génération. Ce phénomène caractéristique de la vie cellulaire consiste en un échange et non pas dans la genèse d’une individualité cellulaire nouvelle. Ces remplacements de certains éléments d’une cellule par des parties similaires fournies par