Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
j. delbœuf. — pourquoi mourons-nous ?

Si les œufs, et parfois les petits de certains oiseaux, sont souvent tellement semblables au sol qui en reçoit le dépôt qu’on les y distingue à peine, croyez que la mère a choisi ce sol parce qu’il devait le mieux abriter sa progéniture, et ne croyez pas que la progéniture a pris la couleur du sol pour échapper à ses ennemis. Ou plus exactement encore, car il ne faudrait pas forcer la note, il y a eu action réciproque, en ce sens que la sélection naturelle a fixé le travail psychologique et a tendu à approprier l’espèce au sol. Mais il va de soi que, si cette espèce n’avait pas des ennemis doués de la faculté de voir la lumière et les couleurs, elle n’aurait eu aucun intérêt à prendre tel habit de préférence à tel autre. D’après M. Poulton (dont je ne connais le travail sur les larves de lépidoptères, que par le résumé qu’en donne la Revue scientifique du 13 décembre 1890), certaines couleurs sont impuissantes à produire des modifications colorées chez les chrysalides. De plus — et ceci est tout à fait digne d’attention — l’influence de la coloration du milieu s’exerce pendant les vingt heures qui précèdent le moment où la chrysalide est formée, et avant ce moment la chenille n’a cessé d’errer pour se choisir un emplacement approprié. L’emplacement trouvé, elle s’y arrête quinze heures environ pour mettre ensuite dix-huit heures à se transformer en chrysalide. Je rappellerai encore — pour prévenir une objection qui se présente peut-être à l’esprit du lecteur — que je n’ai jamais hésité à voir dans les plantes mêmes des êtres intelligents qui ont su créer leur coloration et leurs formes pour s’adapter aux besoins des insectes[1].

Je clos ici ma longue parenthèse, et j’en reviens à ma loi. Elle m’avait servi, dans l’article que je rappelle, à expliquer comment la sexualité avait pu se substituer à la fissiparité, quoique, à première vue, la sexualité paraisse moins favorable à la propagation de l’espèce que la fissiparité. C’est précisément devant ce même problème que nous sommes actuellement. La bipartition répétée est une cause cumulative de déséquilibration. Comme le dit très bien M. Maupas, dès la première bipartition, il y a déjà une différence entre le progéniteur et ses produits. La différence doit aller en s’accentuant à mesure que les produits s’éloignent du progéniteur primitif, puisqu’ils deviennent d’abord pubères, et sont ensuite frappés d’impuissance et de mort.

Mais ce n’est pas tout. Il n’y a pas seulement une différence

  1. Voir, dans la Revue scientifique du 24 mai 1879, p. 1110, mon article sur Le sens des couleurs chez les animaux, d’après Grant Allen.