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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/276

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immobile en l’air sans qu’elle s’en aperçoive, quoiqu’elle ne soit pas anesthésique (c’est une anesthésie par distraction) ; quanti elle se retourne, elle voit son bras en l’air et le baisse en disant : « Je ne m’en étais pas aperçue. » Je lui dis de même de cesser son ouvrage, de le reprendre, de se lever, de marcher, de prendre un coupe-papier sur la table. Elle accomplit tous ces mouvements sans le savoir, mais remarquons-le, surtout sans hésiter. On peut même, par ce moyen, lui faire prendre un crayon et du papier, écrire sous la dictée, ou même répondre à des questions simples, c’est le phénomène maintenant bien connu de l’écriture subconsciente. Il n’a jamais été, chez Marcelle, bien remarquable, et les messages de ce genre ne dépassaient pas deux lignes. Mais ce fait m’a été cependant utile pour connaître les idées qu’elle avait au fond de l’esprit. En tous cas, il est ici remarquable, car depuis deux ans, à cause de ses hésitations et de ses tremblements, elle est incapable d’écrire consciemment et elle écrit ainsi assez bien. On prévoit qu’il est très facile d’hypnotiser cette personne : tous les procédés réussissent facilement. Il est inutile de rappeler qu’elle est suggestible pendant l’hypnose, nous venons de voir combien elle l’était déjà pendant la veille. Mais la suggestion à effet posthypnotique, ce commandement donné pendant le sommeil pour être exécuté après le réveil, va nous fournir un moyen de mettre en évidence, en les opposant l’un à l’autre, les mouvements perdus et les mouvements conservés. Pendant qu’elle est endormie je lui fais la suggestion suivante : « Quand je frapperai sur la table, vous prendrez ce chapeau et vous irez l’accrocher à une patère. » Cela dit, je la réveille bien complètement ; quelque temps après, je l’interpelle comme pour lui demander un petit service. « Mademoiselle, vous devriez bien enlever ce chapeau qui me gêne pour écrire et le mettre sur une patère. — Je ne demande pas mieux », dit-elle. Et la voici qui essaye de se lever, se secoue, étend les bras, a des mouvements incoordonnés, se rassied, recommence, etc. Je l’ai laissée travailler ainsi vingt minutes, sans qu’elle ait pu accomplir cet acte si simple. Puis j’ai frappé un coup sur la table. Aussitôt, elle se lève brusquement, prend le chapeau, l’accroche, et revient s’asseoir. L’acte avait été fait par suggestion en un instant, il n’avait pu être fait par volonté en vingt minutes.

Tous ces actes conservés, en effet, du premier au dernier, sont, avec des degrés de complication croissante, des actes qu’on appelle automatiques, et les actes qui sont perdus, comme il est facile de le voir maintenant, sont les actes volontaires. La volonté en effet semble supprimée ou du moins extrêmement amoindrie dans toutes ses