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p. janet. — cas d’aboulie et d’idées fixes

diminution considérable de la volonté avec conservation et exagération de l’automatisme. C’est-à-dire qu’elle ne sait plus faire des actes nouveaux en rapport avec des circonstances nouvelles, mais qu’elle se contente de répéter des actes anciens, d’une manière abstraite, sans adaptation aux situations et aux nécessités nouvelles. Telles sont les premières conclusions que nous pensons tirer de l’étude de ses mouvements, rapides et impulsifs quand ils sont automatiques, hésitants et souvent impossibles quand ils sont volontaires.

III. — Les idées fixes.

Après avoir analysé les mouvements de cette personne, cherchons à pénétrer davantage dans sa pensée et à connaître les idées qu’elle peut avoir. Pour cela, il est nécessaire de ne plus observer du dehors pour ainsi dire, mais de gagner la confiance de la malade et de causer souvent avec elle. On remarque alors tout de suite des dispositions d’esprit bien différentes dont il est important de tenir compte. On ne la trouve pas toujours dans le même état ; tantôt elle parle bien, s’exprime assez gaiement ; tantôt elle est sombre et refuse de dire un mot. Quand j’arrive auprès d’elle pendant un de ces mauvais moments, elle ne semble pas s’apercevoir de ma présence ; elle regarde fixement en bas sans bouger les yeux ; si je la secoue vivement elle ne réagit pas, ou fait entendre un grognement de colère. Le lendemain, je la trouve de bonne humeur et très disposée à causer avec moi : « Dites-moi d’abord ce que vous aviez hier contre moi pour me recevoir aussi mal. — Hier, mais vous n’êtes pas venu ! — Pardon, je suis resté une demi-heure près de vous. — Je ne vous ai pas vu. — À quoi donc pensiez-vous ? — Je n’en sais rien… » Ces paroles indiquent déjà que nous avons affaire à un état important qui ne laisse pas de souvenirs. Il est nécessaire de le bien comprendre d’abord, car sa connaissance nous permettra de comprendre mieux les pensées ordinaires de cette malade pendant les intervalles qui séparent deux attaques.

Nous avons pu un jour par hasard voir une attaque bizarre de ce genre commencer et finir devant nous. Marcelle causait avec assez d’animation ; elle montrait dans sa physionomie une mobilité suffisante ; elle remuait les yeux de côté et d’autre, quoique, suivant sa mauvaise habitude, elle ne voulût pas regarder les gens en face. Tout d’un coup, sans préliminaires bien appréciables, elle cesse de parler et demeure absolument immobile, la figure comme figée. Elle ne semble plus m’entendre, ne réagit pas quand on la pince,