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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/285

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p. janet. — cas d’aboulie et d’idées fixes

auditives, le son du mot cloche, par exemple, des images visuelles, la vue du mot cloche écrit ou imprimé, et enfin des images du sens tactile et musculaire, résidus de toutes les sensations que nous éprouvons, dans la gorge, la langue, les lèvres quand nous prononçons le mot cloche, et des sensations éprouvées dans les bras, la main, les doigts, quand nous écrivons ce mot. On sait que M. Charcot a tiré de cette remarque sa théorie des divers types du langage, auditif, visuel ou moteur, et qu’il donnait ce dernier nom au langage composé des images tactiles ou musculaires dont nous venons de parler. Appliquant ces doctrines à l’aliénation, M. Séglas en concluait qu’il peut exister autant d’espèces d’hallucinations verbales, qu’il y a d’espèces de langage. Les unes seraient des hallucinations auditives de langage, les autres des hallucinations visuelles d’écriture, et enfin une troisième catégorie serait formée par des hallucinations de ces sensations tactiles et musculaires qui forment le type moteur de M. Charcot. Et ces hallucinations que M. Séglas appelle verbales psycho-motrices seraient précisément les hallucinations psychiques ou les voix épigastriques des aliénés.

L’observation des malades vient vérifier cette supposition : souvent on constate des mouvements réels de la bouche ou de la langue et même la prononciation réelle de ces mots que le sujet prétend percevoir mystérieusement. J’en ai rapporté moi-même un exemple assez concluant[1]. D’autres malades se rendent compte eux-mêmes qu’il s’agit d’images relatives à leur langue. « Je n’entends pas, dit B., il me semble que je vais prononcer, je mets la main devant ma bouche pour ne pas le crier[2]. » « Avant, je causais de cœur, dit T. parlant du progrès de ses hallucinations, maintenant je sens bien que je cause de bouche… C’est comme si j’avais ma sœur, son mari et ses bébés dans l’estomac ; c’est comme s’ils faisaient marcher ma langue en sortant de ma poitrine,… ma langue est toute démanchée ; elle cause tout le temps. »

J’ajouterai une autre preuve intéressante : cette malade T. ne peut pas arriver, quand je le lui demande, à parler elle-même en même temps qu’elle sent ses voix : « Il y a, dit-elle, quelque chose dans les joues qui m’empêche de parler à ce moment. » La malade ne peut arriver à avoir en même temps deux images du sens musculaire de la langue. Cette observation rappelle une des expériences de M. Stricker pour prouver la nature musculaire des images verbales chez quelques personnes.

  1. L’automatisme psychologique, p. 432.
  2. Ces observations elles suivantes sont prises sur des malades du service de M. Falret où de la consultation externe de M. Séglas.