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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/71

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b. perez. — le caractère et les mouvements

aller jusqu’à l’orgueil, dans la lutte des passions et le combat acharné des intérêts ; mais leur calme essentiel, leur facilité de réflexion, pour peu qu’ils aient d’intelligence et de bon sens, les ramène, ne seraitce que par amour de leur tranquillité et souci de leur bonheur, à juger sainement et les autres et eux-mêmes.

VI. — Notre série se termine avec les pondérés ou les équilibrés.

Ce tempérament du juste milieu, également éloigné de tous les extrêmes, peut se rencontrer avec la vivacité ou avec l’ardeur, mais il est caractérisé par sa modération naturelle, qui le fait participer, dans une certaine mesure, aux attributions des lents. Nous trouvons ici une sensibilité, soit délicate, soit forte, soit à la fois l’un et l’autre, et, dans tous les cas, très développée en surface, embrassant une très grande variété d’objets. C’est surtout parmi les sujets de cette classe que se rencontrent ces rares et heureuses natures, capables, selon le mot de Voltaire, de donner à leur âme, sans eflbrt ni exagération, tous les modes possibles. Ce sont là véritablement les plus humains des hommes ; rien de ce qui est de l’homme ne leur est étranger, et ils vivent, ils jouissent, en toute liberté et franchise dépassions, par les sens, par l’esprit, par le cœur, par leurs facultés actives.

Ils ne se laissent pas griser par la joie, ni abattre par la tristesse. En général, ils ont l’humeur égale ; leur gaieté est robuste parfois, toujours tempérée par quelque convenance esthétique, sociale ou morale. La variété de leurs goûts, de leurs habitudes, la saineté de leur jugement, les préservent des douleurs étroites et persistantes. Leurs colères sont rares, courtes, parfois éclatantes, mais toujours dominées et purifiées par les sévères exigences de la raison et de la justice. Ils rougiraient de leurs colères non justifiées ou disproportionnées aux objets qui les excitent. Ils peuvent, car l’équilibre lui-même n’est qu’une perfection relative, confondre en certains moments l’intérêt de leur personnalité avec celui d’une plus grande cause ; mais c’est pour celle-ci, en leur âme et conscience, et pour celle-ci uniquement, qu’ils prétendent combattre.

Chez les plus énergiques, le courage se contient dans sa violence même ; chez les plus doux, les plus faibles, si le sentiment de leur infériorité physique les rend circonspects, ils ont toujours la force morale, qui, ne pouvant vaincre l’obstacle, se maîtrise elle-même. Et le poète n’a t-il pas dit admirablement que « la plus belle victoire est de vaincre son cœur ». Combien de vaillants lutteurs sont de piètres héros de ce côté-là !

Les équilibrés ont des sympathies et des antipathies promptes, comme les vifs ou les ardents, mais toujours assez fondées, car la