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réflexion est passée chez eux en habitude et leur a donné un flair assez sûr pour qu’ils ne jugent pas les gens d’après des indices peu sérieux. Leurs vraies affections sont en général doublées d’estime, et partant, susceptibles de durer. Ils y mettent du choix, de la raison, de la convenance esthétique ou morale. Ils peuvent avoir leur égoïsme, leur malveillance, leur indifférence à l’égard de certaines misères, leur répugnance à se dévouer pour certaines personnes ; mais la bienveillance envers les hommes est chez eux ce qui domine, avec une pitié, mesurée quelquefois, éloignée de tout excès, mais très réelle. Ils sont toujours bons et bienfaisants de quelque manière.

Leur amour-propre se tient aussi dans une juste mesure. Enfants, ils ont eu leur petite vanité, l’amour de la parure, des belles manières, du beau langage, mais par sentiment esthétique, sociabilité peut-être, et c’est le besoin de la considération qui les portait à vouloir être distingués. La fierté, la dignité, ces deux formes naturelles du respect des autres et du respect de soi-même, sont chez eux don de nature ou de facile acquisition. Ils sont trop avisés, trop sensés, pour avoir de la présomption ; trop équitables, trop bons juges de leur personnalité, trop modérés dans leurs désirs, pour ne montrer de l’orgueil qu’à bonnes enseignes.

Bernard Perez.