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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/75

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g. mouret. — force et masse

dans le sens très étendu que lui attribue Spencer, et qui réconcilie Locke et Leibniz.

Les faits généraux ou lois sont de deux ordres : les faits les plus généraux, auxquels on donne le nom d’axiomes, de principes, de vérités d’intuition, etc., et les faits moins généraux qui peuvent se déduire des faits les plus généraux : tels sont les théorèmes de la Géométrie et de l’Analyse, les lois dérivées des sciences physiques, etc.

Pour désigner ces deux genres de lois, j’emploierai les expressions : principe ou loi fondamentale, principe ou loi dérivée, ce qui correspond à la distinction établie en mathématiques, entre les axiomes et les théorèmes.

Les principes fondamentaux n’ont pas une certitude absolue, et leur degré de probabilité est variable, depuis la grande probabilité des vérités intuitives jusqu’au caractère incertain des hypothèses proprement dites. C’est ainsi que nous doutons peu de l’existence de la ligne droite, que nous ne sommes plus aussi sûr de l’exactitude du postulatum d’Euclide, que nous verrions sans trop de surprise une exception au principe de la conservation de l’énergie, que nous ne considérons que comme hypothétique l’existence d’un milieu éthéré ondulatoire, et que nous croyons à peine à la constitution moléculaire de la matière.

Dans les premiers cas, ceux où la certitude est presque atteinte, notre croyance est assise immédiatement, ou médiatement (par hérédité), sur des vérifications directes ; nous ne pouvons concevoir la négation du contraire. Dans les cas intermédiaires, la vérification n’est pas directe ; les conséquences seules sont vérifiées. Enfin, dans les cas d’un caractère hypothétique, certaines des conséquences seules sont vérifiées. Mais dans la présente étude, je ne chercherai pas à distinguer entre ces degrés de croyance ; mon objet n’est pas d’établir la validité des lois fondamentales, mais simplement d’en montrer l’enchaînement, et de fixer les concepts qui sont les maillons de la chaîne.

En ce qui touche aux concepts, il y a une distinction essentielle à faire, distinction trop négligée, et faute de laquelle la plus grande confusion règne dans les idées. Il y a, d’une part, ce que j’appellerai les concepts psychologiques, d’autre part les concepts logiques.

Comme exemple des premiers, je citerai le son, la couleur, la résistance, l’espace, le temps, le chaud, le froid, etc. Ce sont, en définitive, les attributs primaires ou secondaires des corps ; ils dérivent directement des sensations, et ne sont pas, par conséquent, susceptibles de mesure, quoique prétende la nouvelle école allemande de psychologie.