Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
revue philosophique

circuit, déclanchez un ressort, frappez un fulminate et vous provoquerez le mouvement d’une aiguille aimantée, d’une flèche, ou d’un obus.

Cependant certains états du milieu, comme aussi certains changements de ce milieu ne sont pas de nature à modifier le mouvement. Par conséquent les états et changements du milieu peuvent être classés en deux catégories suivant qu’ils exercent ou non une action sur le mouvement du corps considéré : c’est de la que dérive la notion de cause de mouvement. À l’aide du rapport de causalité qui lie le mouvement à certains états ou à certains phénomènes, nous formons un premier concept mécanique qui est l’attribut de ces états ou de ces phénomènes.

On définit presque toujours, en mécanique, la force en disant qu’elle est la cause du mouvement. Mais suivant une remarque de Lazare Carnot[1], rappelée par M. de Freycinet[2], cette définition est erronée, car une cause n’est pas une chose mesurable, et nous savons pourtant que la force est une grandeur. On verra mieux encore que la force ne peut être une cause de mouvement, si l’on remarque que le plus souvent, la force exercée par un certain système sur un mobile ne dépend pas seulement de l’état intrinsèque du système, mais encore de l’état du mobile, et de ses relations avec le système extérieur. Pour prendre un cas simple, la force d’attraction exercée par la terre sur un corps ne dépend pas seulement de la terre, qui est la cause du mouvement, mais aussi de la masse du corps, et de sa distance à la terre. La force ne peut donc être qu’un attribut du système total formé par le mobile et par le système extérieur qui détermine son mouvement, alors que la cause de mouvement, c’est-à-dire le premier terme de la relation causale, est nécessairement, et par définition, le fait de coexistence du seul système extérieur. En réalité, nous verrons que la force n’est même pas un attribut du système total et qu’elle n’est qu’un attribut des corps en mouvement, abstraction faite des causes de mouvement. Les deux notions, force et cause de mouvement, sont indépendantes l’une de l’autre.

En pratique, il n’y a pas intérêt à les distinguer, car tout mouvement ayant une cause, il existe une relation de coexistence entre la cause de mouvement et la force ; mais pour le sujet qui nous occupe, il importe de faire la distinction, et réservant le mot force à ce qui est mesurable, j’appliquerai à toute cause de mouvement le mot puissance (power), bien que ce mot soit plus généralement

  1. Principes fondamentaux de l’équilibre et du mouvement, p. 14.
  2. Traité de mécanique rationnelle, I, p. 19, note.