Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
revue philosophique

cause de mouvement extérieure au système AB. L’expérience, et l’expérience seule, prouve que, quels que soient les corps A et B, quelque grand et massif que soit le corps A, quelque léger que soit le corps B, quelque faible que soit l’accélération qu’il tend à prendre, cependant le système des corps A et B, lesquels resteront toujours en contact, prendra un mouvement (j’entends toujours parler d’un mouvement varié), c’est-à-dire que les corps A et B acquerront une accélératioa commune. C’est là un fait d’observation si vulgaire, si souvent vérifié, qu’il a été connu bien avant les autres lois du mouvement, et qu’il rentre presque dans la catégorie des vérités d’intuition. Cependant c’est bien un fait, une loi fondamentale sur la transmission du mouvement, car on peut aisément concevoir que le phénomène soit différent de celui que nous connaissons, et que par exemple le corps B ne puisse jamais communiquer son mouvement au corps A. La loi que je viens d’énoncer affirme, au contraire, le fait que, parmi les puissances de diverses natures, il faut comprendre celle qu’exerce, au contact, tout corps qui tend à prendre un mouvement. Cette puissance cinétique existe dans tous les corps, si faibles que soient leur masse et leur accélération.

Il est intéressant de se poser cette question : quel serait l’état de nos connaissances si la loi de transmission du mouvement n’était pas vérifiée, et si certains corps ne pouvaient, soumis à une accélération, déplacer les corps situés au contact et en repos, tandis que d’autres corps seraient capables d’exercer cette action. Il est clair que nous distinguerions alors deux sortes de matière : l’une susceptible de prendre un mouvement, mais incapable de le communiquer et ne possédant par elle-même, malgré son mouvement, aucune puissance ; l’autre douée de puissance et, par son mouvement, déplaçant les corps qui lui sont opposés.

Mais il n’existe aucun fait qui puisse même nous faire seulement soupçonner la possibilité d’une pareille distinction ; et la puissance que possèdent les corps en mouvement est un attribut constant de la matière ; c’est un concept si parfaitement compris et assimilé par l’esprit qu’on n’a pas même jugé à propos de lui donner un nom spécifique (on devrait l’appeler la puissance cinétique), et il est englobé dans cet ensemble indéfini qui constitue le complexe connu sous le nom de matière.

Jusqu’à présent, si nous pouvons parler de la puissance du corps B, nous n’avons aucun droit de parler de la résistance du corps A. En énonçant la loi fondamentale de la transmission du mouvement par contiguïté, j’ai seulement mentionné que les corps A et B prennent un mouvement commun, mais je n’ai pas examiné s’il existait