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Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/85

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g. mouret. — force et masse

une relation déterminée entre l’accélération de ce mouvement et celle du mouvement que prendrait le corps B, s’il était libre, et isolé du corps A.

Cependant une telle relation existe et c’est elle qui va nous fournir le concept d’inertie.

IV

La loi, telle qu’elle vient d’être énoncée, établit que cette accélération commune g′ des deux corps n’est pas nulle. Mais notre connaissance du phénomène de transmission du mouvement sera plus complète si nous observons que, comparée à l’accélération g que tend à prendre le corps B, l’accélération g′ n’est ni égale ni supérieure à l’accélération g ; elle lui est toujours inférieure. Le corps en repos A, tout en prenant un mouvement, réduit le mouvement que tend à prendre le corps B ; il y a destruction partielle de l’accélération de ce second corps. Il existe donc, dans un corps en repos, une cause de modification de mouvement agissant pour le réduire, c’est-à-dire ce que nous avons appelé une résistance.

Cette résistance que possèdent tous les corps à l’état de repos, on lui a donné un nom, la force d’inertie. Dans la tournure d’esprit conceptualiste et même réaliste qui nous est habituelle — parce qu’elle nous aide à généraliser les faits que nous observons — la puissance cinétique et la force d’inertie sont comprises par nous comme deux choses distinctes des corps et cependant inhérentes, l’une aux corps en mouvement, l’autre aux corps en repos. Mais il n’existe aucune raison de croire que ces deux choses sont des attributs desdits corps plutôt que du milieu qui les entoure. Et par exemple, en ce qui concerne l’inertie, nous pouvons tout aussi bien nous la représenter non pas comme une résistance des corps, mais comme une résistance du milieu qui les entoure, milieu présentant une sorte de viscosité, qui modifie les mouvements de translation. C’est ainsi qu’il faut déployer, pour déplacer une balle de sureau plongée dans un fluide pâteux, une force plus grande que si cette balle flottait dans un liquide très fluide.

Mais si nous écartons le mode conceptualiste de représentation, si nous restons dans le cercle positif de nos connaissances, tel que le délimite la doctrine nominaliste, nous n’avons pas à nous préoccuper de cette distinction du corps et du milieu, puisque nous n’avons aucun moyen de considérer les corps isolés de tout milieu. Et nous