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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/107

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du Chev. Grandisson.

suivre que vous ne soyez à moi, ou que je ne vous voye la femme d’un autre. Il a prononcé ces derniers mots, d’un ton qui m’a choquée autant que le discours même : ma réponse s’en est ressentie. Dans une conversation qui a duré trop long-tems, ai-je dit d’un air froid, je me félicite de n’avoir pas un mot à me reprocher, ou qui puisse me laisser le moindre regret. Cette réflexion l’a piqué. Il m’a répondu qu’il n’étoit pas de la même opinion ; & se baissant vers moi, d’un air assez insolent, il m’a dit qu’il me soupçonnoit d’un peu d’orgueil. De l’orgueil, Monsieur ! Oui, Mademoiselle, un peu d’orgueil, avec beaucoup de cruauté. De la cruauté, Monsieur ! De l’orgueil, Mademoiselle, de la cruauté & de l’ingratitude.

Il m’a paru alors que je ne demeurois plus que pour être insultée. Tout ce que j’avois entendu du Chevalier Allestris m’est revenu à l’esprit. Si vous me croyez si coupable, ai-je repris sans m’échauffer, trouvez bon, Monsieur, que je me retire, pour étudier mieux mes sentimens ; & faisant une profonde révérence, je me suis hâtée de sortir. Il m’a conjurée de demeurer. Il m’a suivie jusqu’au pied de l’escalier ; mais je suis montée sans l’écouter.

Mr & Mme Reves m’ont raconté qu’après mon départ, il avoit fait éclater non-seulement son orgueil, mais le fond de son mauvais naturel. Il s’est mordu les levres.