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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/130

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Histoire

famille, que je n’ai pas encore vu l’homme dont je puisse penser à faire mon Mari.

Vous l’avez vu, Mademoiselle ; sur ma foi vous l’avez vu : & le Misérable s’est saisi de ma main, en dépit de toute ma résistance. Vous me la donnerez, a-t-il dit en la portant à sa bouche ; & de ses lévres, il me l’a pressée avec tant de violence, qu’il y a laissé la marque de ses dents. Il m’est échappé un cri de surprise, & je puis dire de douleur. Mais il a contrefait mon exclamation ; & m’arrachant l’autre main, sur laquelle il s’est hâté d’imprimer aussi ses dents ; vous serez heureuse, m’a-t-il dit, si je vous en laisse une ; je vous mangerois volontiers toute vive. Voilà, ma chere, votre languissant, votre inconsolable Greville.

Je me suis sauvée dans la chambre voisine. Il m’a suivie d’un air fort libre. Il m’a priée de lui laisser voir mes mains ; & se tournant vers Mr Reves, il lui a dit d’un ton plaisant : en vérité, j’ai pensé dévorer votre charmante Cousine ; je commençois par ses mains. Cette marque de tranquillité & d’assurance m’a plus offensée que l’action même, parce qu’elle m’a fait connoître que sa gaîté naturelle n’étoit point altérée. Cependant je n’ai pas voulu paroître trop sérieuse. Mais je craindrois, si je me retrouvois seule avec cet homme là, qu’il ne mangeât réellement mes deux mains. En sortant, il m’a dit qu’il me croyoit un peu