Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
Histoire

Mes genoux trembloient sous moi. Je me jettai sur une chaise, proche de la fenêtre, & je me mis à pleurer amerement. Il vint à moi ; & me voyant jetter les yeux de tous côtés, pour éviter de les fixer sur lui, il me dit que je cherchois en vain le moyen de fuir ; que j’étois à lui sans retour, & que j’y serois plus surement encore ; qu’il me conseilloit de ne pas le réduire au désespoir ; qu’il me juroit par tout ce qu’il y avoit de sacré… Il s’arrêta, comme effrayé de son propre transport. Il me parcourut toute entiere, d’un œil égaré ; & se jettant tout d’un coup à mes pieds, il embrassa mes genoux de ses odieux bras. Je fus épouvantée de ce mouvement. Je poussai un cri. Une des jeunes filles parut aussi-tôt. Elle fut suivie de sa mere. Quoi ? Quoi, Monsieur, s’écria cette femme ; dans ma Maison… Graces au Ciel, pensai-je en moi-même, il y a plus d’honneur dans cette Maison, que je n’osois m’en promettre ! Cependant, je ne remarquai que trop, ma chere Lucie, que ces trois Femmes regardoient le Mariage comme une réparation pour chaque insulte.

Le Monstre se plaignit beaucoup de la liberté qu’elles prenoient, de venir sans être appelées. Il avoit cru, leur dit-il brusquement, qu’elles connoissoient assez leur sexe, pour ne pas s’embarrasser des cris d’une femme ; & leurs folles craintes le faisoient penser à ce qui ne lui étoit pas tombé dans l’esprit. La Vieille répéta qu’elle entendoit