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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/232

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Histoire

de prendre ce qui seroit de mon goût ; mais l’appétit me manquoit, autant que la volonté. Je répondis, que le repas que j’avois fait la veille seroit vraisemblablement le dernier de ma vie. Pour lui, il mangea d’un air fort libre, en continuant de m’insulter par des railleries. Le peu de jour qu’il m’accorda me fit remarquer que j’étois dans un lieu fort désert, & même éloigné du grand chemin, autant que j’en pus juger par les apparences. Je ne m’informai point du terme de mon voyage. S’il me restoit quelque espérance de m’échapper, c’étoit en traversant quelque Ville : mais il m’en restoit peu ; & je prévoyois que dans quelque lieu que je fusse menée, ce seroit pour y essuyer de nouvelles persécutions. J’étois résolue de souffrir plûtôt la mort, que d’accepter sa main. Mais ma plus grande crainte étoit de tomber dans mes évanouissemens ; & je répondois le moins qu’il m’étoit possible à ses barbares insultes, pour conserver le peu de force que je me sentois encore. Avant que de se remettre en marche, il me dit que mon obstination le forçoit d’en revenir à la contrainte ; & prenant le mouchoir pour me bander les yeux, il tenta de me prendre deux ou trois baisers. Je le repoussai avec indignation. Vous êtes un barbare, lui dis-je dans l’amertume de mes sentimens. J’ai le malheur d’être en votre pouvoir. Votre injurieux traitement pourra vous coûter cher ; & tendant la tête au mouchoir : vous m’avez