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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/234

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Histoire

sérable répondit que c’étoit sa femme, dont il avoit jugé à propos de s’assurer, après l’avoir surprise dans le crime, horrible invention ! & prête à fuir d’une Mascarade avec son Adultere. Il leva le manteau dont j’étois couverte, pour donner en preuve la vue de mes habits. Non, non, non, m’écriai-je cinq ou six fois : mon trouble m’ôtant la respiration de parler, j’étendis les deux mains pour demander de la protection & de la pitié. Le méchant homme s’efforça de remettre sur ma bouche le mouchoir lié, que j’avois baissé sous mon manton, & me dit brutalement quelques injures grossieres. Mais l’Étranger, ne se payant point de l’explication qu’on lui avoit donnée, voulut m’entendre moi-même ; & malgré la rage de Sir Hargrave, qui lui demanda d’un air méprisant qui il étoit, avec de furieuses menaces, il me demanda s’il étoit vrai que je fusse sa femme ? Oh ! non, non ; c’est tout ce que je pus répondre. J’avoue qu’encouragée par la physionomie de mon Libérateur, je n’aurois pas balancé, dès ce moment, à me jetter entre ses bras, quoique dans toute autre occasion j’eusse pu m’effrayer de son âge. Il auroit été bien malheureux que je ne fusse sortie des mains d’un Monstre, que pour retomber dans celles d’un autre, & qu’un second Hargrave eût abusé du nom sacré de Protecteur, en joignant à ce crime celui de trahir ma confiance. Mais quelque nouveau malheur que j’eusse à redouter,