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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/381

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du Chev. Grandisson.

Tantôt je crois implorer sa compassion, & ne recevoir de lui que des reproches & des menaces. Tantôt il me semble que j’ai la bouche fermée de son mouchoir. Son horrible Ministre, si c’en étoit un, lit quelquefois la formule, & je réclame contre la validité d’un tel mariage. D’autres fois je crois m’être échappée, il me poursuit ; je crois l’entendre sur mes traces ; & je m’éveille, en faisant d’inutiles efforts pour crier au secours ! Mais lorsque mon imagination me sert plus heureusement, je vois paroître mon Libérateur. C’est quelquefois un puissant Dieu, car mes songes me rendent une parfaite Romanciere ; & moi je suis une Demoiselle dans l’infortune. Le blanc Palefroi se présente aussi-tôt ; & la carriere s’ouvrant au merveilleux, je vois tuer des Lions & des Tigres, pourfendre des Géans, & mettre des Armées en déroute, par la puissance du seul bras de mon Héros.

Toutes ces rêveries ne vous convainquent-elles pas que mon inquiétude ne peut être attribuée qu’à ce que j’ai souffert de la barbarie de Sir Hargrave ? Il me semble que le seul parti que j’aie à prendre est d’aller demander les avis de ma Tante ; de quitter Londres, ma chere : & je serai plus capable alors de découvrir si, comme tous mes Amis le soupçonnent, & comme je dois avouer que je commence moi-même à le craindre, une passion plus forte que la reconnoissance ne s’est pas emparée de mon cœur. Je suis