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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/72

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essayer de parler : sa bouche s’est ouverte, pour donner passage à ses paroles, ce qui paroît lui arriver quelquefois, avant que ses mots soient tout à fait prêts. Mais il s’est assis, content de l’effort. Au fond, ceux qui ne se rendent point méprisables par des affectations doivent être supportés. Pauvres & riches, sages & insensés, nous sommes tous anneaux de la même chaîne. Il faut me dire, ma chere, si dans mes descriptions, je ne mérite pas moi-même le reproche que je fais à ceux qui méprisent les autres, pour des défauts qui ne sont pas volontaires.

Celle que je vais commencer pourra vous paroître intéressante, si je vous avertis qu’il est question d’un nouvel Adorateur. Et lequel donc, des trois hommes que j’ai nommés ? Vous devinez le Baronet, j’en suis sure. Oui, ma chere, c’est lui ; mais songez que mon esquisse sera composée de ce que j’ai appris de lui dans la suite, aussi-bien que de mes propres observations.

Le Chevalier Hargrave Pollexfen est un homme bien fait, assez haut, d’une figure agréable, âgé de vingt-huit ou trente ans. Il a le teint un peu trop blanc pour un homme, & tirant un peu sur le pale ; les yeux d’une hardiesse remarquable, gros, ouverts, approchant assez de ceux qu’on nomme vulgairement des yeux de bœuf ; & dans les airs qu’il se donne, il paroit affecter un regard libertin, qu’il prend peut-être pour