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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/133

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du Chev. Grandisson.

situation ordinaire est une rêverie sombre, accompagnée d’un profond silence. Cependant j’observe quelquefois que son ame est fort agitée. Elle se leve pour changer de place, elle s’arrête peu dans celle qu’elle a choisie, & passant de l’une à l’autre, elle fait ainsi le tour de sa chambre. Ce spectacle me pénetre jusqu’au fond du cœur. Je n’ai jamais rien vu de plus parfait & de plus aimable qu’elle. Dans un égarement si continuel, elle n’a rien perdu de sa ferveur pour ses exercices de piété. Elle conserve toutes ses bonnes habitudes. Mais dans d’autres tems on ne la reconnoît point.

Elle s’occupe souvent à vous écrire. On ne manque point de lui prendre secrettement ce qu’elle écrit, mais il ne paroît pas qu’elle s’en apperçoive ; elle ne demande point ce que sa Lettre est devenue ; elle reprend du papier pour en commencer une autre. Ses sujets sont toujours des Saints ou des Anges. Elle s’attache souvent à méditer sur une Carte du Pays Britannique, & je l’ai entendue plusieurs fois souhaiter, avec un soupir, de se voir transportée en Angleterre.

Madame de Sforce demande instamment la permission de l’amener à Urbin ou à Milan, mais j’espere qu’elle ne lui sera point accordée. Quelque tendresse que cette Dame témoigne pour elle, je la vois persuadée que les méthodes séveres sont les seules dont on puisse attendre du succès, & je suis sûre, au