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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/18

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Histoire

Temple, elle jetta les yeux de mon côté. Il est passé, lui entendis-je dire. Apprenez, Camille, à garder un peu plus de discrétion. L’appellerai-je ? lui dit cette fille. Elle répondit successivement : Non, oui, non ; enfin, non, ne l’appelez point. Je veux faire un tour d’allée. À présent, Camille, vous pouvez me laisser. Il ne manque point de monde, au Jardin, pour veiller sur moi. Ou demeurez, si c’est votre intention. Peu m’importe par qui je sois observée. Seulement, ne me parlez point lorsque je vous ordonne de vous taire.

Elle prit une allée, qui traversoit celle où j’étois. Mais après un tour ou deux, me trouvant près d’elle, & dans le tems qu’elle en approchoit, je la saluai respectueusement ; comme dans le dessein de me retirer, pour la laisser libre. Elle s’arrêta, & je l’entendis répéter à Camille ; apprendrez-vous du Chevalier ce que c’est que la discrétion ? Je lui dis alors : pardonnez, Mademoiselle… n’est-ce pas porter trop loin la liberté… Elle m’interrompit : Camille fait un peu l’officieuse aujourd’hui. Camille me tourmente. Les Poëtes de votre Pays, Monsieur, sont-ils aussi séveres que les nôtres, contre l’abus que les femmes font de leur langue ?

Les Poëtes de tous les Pays, Mademoiselle, se vantent de la même inspiration. Les Poëtes, comme les autres hommes, écrivent ce qu’ils croient sentir.

Oui ? Monsieur. C’est un joli compliment que vous faites à mon sexe.