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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/203

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du Chev. Grandisson.

Dimanche au soir.

Ô chere Lucie ! quelle étrange histoire j’ai à vous raconter. Émilie sort de ma chambre. Elle m’avoit demandé de pouvoir m’entretenir en particulier. Lorsqu’elle s’est vue seule avec moi, elle m’a jeté ses deux bras autour du cou. Ah ! Mademoiselle, s’est-elle écriée, je viens vous dire qu’il y a une personne au monde que je hais, & que je dois haïr toute ma vie. C’est la Dame Italienne. Emmenez-moi, prenez-moi auprès de vous en Northampton-Shire, & que jamais je n’aie le chagrin de la revoir.

Ce discours m’a fort étonnée.

Ô Mademoiselle ! j’ai découvert que Jeudi dernier elle a voulu tuer mon Tuteur.

Ma surprise a redoublé, Lucie.

Ils se retirerent ensemble ; vous vous en souvenez, Mademoiselle. Mon Tuteur avoit le visage enflammé à son retour ; il envoya sa Sœur vers elle, & nous étions surprises qu’il n’y fût pas retourné lui-même. Elle avoit exigé qu’il différât son voyage : elle devint furieuse de ne pouvoir l’obtenir. Les explications furent très-vives. Et dans sa rage, elle tira de son corset un poignard, avec serment de le lui enfoncer dans le cœur, s’il ne lui promettoit de ne jamais revoir Clémentine. Il ne laissa point de s’approcher d’elle, dans l’espérance de lui ôter cette arme. Le courage lui manqua pour s’en servir, & vous le croyez bien,