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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/380

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Histoire

fensé. Elle m’a paru si foible que j’ai tendu les deux bras pour la soutenir : vous pardonner, Mademoiselle ! Inimitable Fille ! Gloire de votre sexe ! Pouvez-vous me pardonner vous-même d’avoir élevé mes espérances jusqu’à vous ? Ses forces l’abandonnant tout-à-fait, elle est tombée dans mes bras. Camille lui tenoit des sels, & si proche d’elle, j’en ai senti l’utilité, dans le besoin que j’avois du même secours. Suis-je pardonnée, m’a-t-elle dit, en reprenant un peu ses esprits ? dites que je le suis. Pardonnée ! Mademoiselle. Ah ! vous n’avez rien fait qui ait besoin de pardon. J’adore votre grandeur d’ame ! Déclarez vos volontés sur moi, & tout mon bonheur sera de les suivre.

Je l’ai conduite à sa chaise, j’ai mis sans réflexion un genou à terre devant elle, & tenant ses deux mains dans les miennes, je suis demeuré, dans cette posture, à la regarder avec des yeux qui n’exprimoient pas les mouvemens de mon cœur, s’ils n’étoient pas ardens de tendresse & de respect.

Camille avoit couru chez la Marquise, pour lui rendre compte de cette étrange scene. Le Marquis, le Prélat, le Comte, & le Pere Marescotti, qui attendoient le succès de ma visite, ont été surpris de ce qu’ils ont entendu, mais ils s’en imaginoient peu la cause. La Marquise s’empressant de revenir avec Camille, m’a trouvé dans la même attitude, c’est-à-dire, à genoux, les deux mains de sa Fille dans les miennes. Cher