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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/117

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HUGHES.

Ah ! cruelle !… cynique !… Mais je te haïrais, si je t’avais aimée, après tout ce que tu m’as fait endurer… Jamais une minute, je ne t’ai aimée. D’abord, j’en aimais une autre.

JANE, narguant.

Ah !… Et elle est partie !… Elle a bien fait.

HUGHES.

Tais-toi ! ou je dis ce qui va t’humilier ! C’est mon secret tragique, et j’osais à peine le chuchoter à la nuit. Mais il faut que je te le révèle, à la fin, puisque tu souilles en toi mon amour !… Tu n’as donc rien deviné ? Je ne maniais tes cheveux que parce qu’ils sont ceux de l’autre ; je ne t’écoutais que parce que j’entendais sa voix dans la tienne… Et vos yeux sont les mêmes ! Et jusque dans tes bras, j’ai tâché de sentir ses étreintes, sa peau douce, l’odeur intime de sa chair, la même, aussi la même… Voilà comment tu as cru que je t’aimais !