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BEETHOVEN

les lumières, il découvre plusieurs de ses âmes cachées, Télégiaque, la funèbre, l’héroïque. Arrivé au largo de la variation XV, il dessine, sans s’en apercevoir, une grande scène de drame épique. Dans la Coda s’annonce déjà la mort du héros : impossible de conclure par les moyens ordinaires ! Le finale est une fugue, qui a des allures de combat. La Symphonie est en germe. Arrivé au bout, Beethoven se retourne ; et il reconnaît la nature vraie du thème avec lequel il jouait : — ces quatre puissants piliers !… Et le grand constructeur voit les vastes espaces, qu’il peut couvrir, avec. — Alors, il le reprend pour base fondamentale de son dernier morceau de la symphonie, où les variations s’étendent en épopée ; le travail contrapontique en tresse un faisceau de nervures colossales en ogives.

Il y a dans cette découverte tardive de la signification profonde d’un thème mélodique, un phénomène de subconscient créateur, que, dans d’autres études, j’ai eu l’occasion de signaler, maintes fois, chez Hændel. Et c’est le fait des génies musicaux, par essence. Hændel, presque constamment, et Beethoven, fréquemment, (je le montrerai par la suite) produisent la fleur mélodique, sans savoir son vrai sens… (Et je vois les esthètes qui s’exclament î — « Une fleur a-t-elle un sens ? »… Mais je réponds : Oui, pour la science, c’est-à-dire pour la vérité, c’est-à-dire, en fin de compte, pour l’art même : car le beau et le vrai ensemble font la conscience du beau, — donc le beau complet )… Je laisse les esthètes et reviens aux créateurs. Beethoven comme Hændel ignorent à quel arbre appartient la fleur, et quel fruit couve en elle. Et comme ils sont pressés