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BEETHOVEN

les dix dernières années de sa vie, l’art et la personnalité de Beethoven ont subi une si profonde métamorphose, sous des conditions multiples que nous étudierons plus tard et qui constituent un des drames les plus bouleversants de l’âme et de la destinée — il a légué à l’avenir un testament musical, dont les caractères se sont marqués, d’une façon si indélébile dans la mémoire du siècle — qu’il a lui-même jeté l’oubli sur ses premières découvertes. Les cathédrales bâties par le vieux maître : l’op. 106, l’op. 110, l’op. 111, ont couvert de leur ombre imposante les jeunes constructions Mais on se tromperait lourdement, en méconnaissant l’originalité de celles-ci. Dire, comme on le fait aujourd’hui, qu’elles ne sont qu’un prolongement, ou une « imitation » 1 de l’art antérieur, dont elles paraphrasent les formes et l’esprit — écrire qu’il y « reste assujetti au style galant établi par Ph.-Em. Bach, Haydn et Mozart » 1 2, et que ces vingt-deux premières sonates « demeurent, dans leur ensemble, au-dessous des plus hautes productions des musiciens de l’époque précédente » 3, — c’est perdre le souvenir du bouleversement produit, à l’apparition de ces œuvres, dans l’esprit de la génération qui les entendit pour la première fois — les fureurs et les transports qui les accueillirent — l’ostracisme dont elles furent frappées par les musiciens servants de l’ancien style, et l’enthousiasme fougueux des jeunes gens.

1. Lenz. Vincent d’Indy,

2. Blanche Selva.

3. Escarra, toc. cil.