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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Le récit de Moscheles, découvrant la Sonate Pathétique 1

— et les grossières invectives de la critique classique contre la Sonate op. 10 en ut mineur 1 2, illuminent la situation. D’une part, les pontifes musicaux, qui se croient attitrés, de l’âge précédent, ne s’expriment pas autrement à l’égard 1. On le trouvera reproduit dans Thayer, II, p. 146-7, avec d’autres témoignages. Le maître de Moscheles, Dionysius Weber, homme considérable, fondateur-directeur du Conservatoire de Prague, défendait à scs élèves de rien lire en dehors de J.-S. Bach, Mozart et démenti. Moscheles entendit parler par ses camarades d’un nouveau compositeur, qui fabriquait les « machines les plus étranges » das sonderbarste Zeug von der Well »), « une musique baroque, en opposition avec toutes les règles » eine barocke, mit allen Regeln in Widerspruch slehende Musik »), « de telle sorte que personne ns pouvait la jouer ni la comprendre. » —-Le petit Moscheles se procura en cachette la Sonate Pathétique. — « La nouveauté du style » (a Die Neulieil ihres Stiles y>) le saisit et le fascina. Il en prit copie, car il n’était pas assez riche pour l’acheter ; et il eut l’imprudence de trahir son enthousiasme devant son maître. Dionysius Weber, indigné, lui interdit formellement de jouer ou de lire ces « excentrische Productionen ».

— Mais il était trop tard : le petit musicien avait goûte au fruit défendu ; pour tout le reste de sa vie, il n’en put oublier le goût. Sans tenir compte de l’injonction du maître, il se procura secrètement les œuvres de Beethoven, au fur et à mesure qu’elles paraissaient. — « Et je trouvai en elles, dit-il, une consolation cl une joie (cinen Trost und cin Vergnügen), qu’aucun autre compositeur ne m’avait procurées. * 2. Article de YAllgemeine Musikalische Zeilung, 1797 : — « L’abondance des idées conduit Beethoven encore trop souvent à amonceler sauvagement les pensées les unes sur les autres, et à les grouper ensemble d’une façon si bizarre que le résultat est souvent un obscur artifice, ou une obscurité factice. »

« Die Fülle von Ideen veranlassl Beethoven noch zu ofl Gedanken wild aufeinander zu haiïfen und sic vermittelsl einer elwas bizarren Manier dergeslalt zu gruppieren, dass nicht selten eine dunkele Kiinstlichkeit oder eine künstliche Dunkelheit hervorgebrachl wird. d b