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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

passacaille — quand il rapproche les premières notes de la Symphonie en ut mineur d’un passage du Gradus ad Parnassum — quand il voit dans le dernier morceau (allegro agitato) du quatuor en fa mineur, op. 95, un « Jagdstiick » (une « chasse ») — quand une nuée de critiques répètent docilement que le thème du premier morceau de VHéroïque s’inspire de Y Ouverture de Bastion et Bastienne 1 — on se demande si ces musiciens excellents se sont jamais doutés du sens de la musique. Ils lisent, des yeux ; ils voient les lettres ; ils n’entendent pas l’esprit qui parle ; et ils ne songent pas que, dans deux mots faits des mêmes lettres, il suffit que l’une des lettres change de place, ou d’accent, pour que le mot ait changé. On ne saurait être trop prudent, lorsqu’on recherche dons les œuvres d’art les influences de style. Si cette étude peut conduire à des résultats relativement satisfaisants, "teint qu’il s’agit d’artistes du second ordre, chez qui la lettre l’emporte sur l’esprit, elle est presque toujours décevante, lorsqu’on s’attaque aux génies-Car, dès l’instant qu’un génie pose sa griffe sur une forme existante, il en fait un moyen d’expression absolument nouveau. Et spécialement en musique, où un seul accent, un silence, une ponctuation, une inflexion du rythme ou de la ligne, peut tout modifier. Les plus grands artistes, Hændel, Gluck et Beethoven, ne sont peut-être jamais aussi authen- 11. Dans cet ordre de recherches — pour le dire en passant — il serait plus juste de relever la parenté de ce premier thème de VHéroïque avec celui du premier mouvement de la Symphonie en mi bémol de Stamitz,