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BEETHOVEN

sans rien cacher de soi, est accessible à tous 1. — Et en voici un autre exemple dans le dessin large et grès, un peu trop arrondi de Y adagio molto, op. 10 n° 1 1 2, où coule sans se presser une nappe mélodique, qui s’étale à la fin en un mol estuaire.

Mais c’est dans le monumental Largo e mesto de l’op« 10 n° 3 3 que se révèle, pour la première fois, la pleine grandeur de l’âme beethovenienne. (L’œuvre est contemporaine des premières atteintes du mal qui ruina la vie de Beethoven 4.)

Dès les premiers accords, sur ce majestueux 6/8, dont l’auguste balancement, si souvent chez Beethoven, scande le rythme de ses temples de la Mélancolie 5» 1. Le plus grand nombre des artistes d’aujourd’hui, qui visent au détachement aristocratique, par réaction contre les démocraties montantes, d’où ils sont sortis, taxeront de défaut cette « parole publique ». J’ai eu déjà l’occasion de m’expliquer là-dessus, à propos de Y Héroïque. Je crois que, si la condition première de la grandeur est d’avoir l’âme grande, Yalma sdegnosa qui se réserve parcimonieusement pour soi et pour ses initiés — Narcisse et Corydon — est marquée de stérilité. Les plus grands : Hændel, J.-S. Bach et Beethoven, pensaient pour soi, parlaient pour tous. Leurs œuvres véridiques s’adressent à de larges communautés. 2. Sonate en ut mineur, dédiée à la comtesse v. Browne. 3. Sonate en ré majeur.

4. 1798.

5. Voir l’adagio célèbre de l’op, 106.