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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

dialectique de la forme-Sonate. Le dualisme des thèmes s’accordait avec celui de sa propre nature, farouche, rude, loyale, où, d’une façon un peu simple, ainsi que chez nos héros de la tragédie classique, s’affrontaient raison et passion. Le dialogue intérieur est, deviendra toujours plus, la forme de sa vie profonde. Les contrastes de motifs, cherchés dans la sonate, répondaient aux brusques oppositions de ses sentiments. Il n’avait qu’à écouter ses propres préférences, pour vouloir établir dans le discours musical, d’une part un plan rigoureux, rigoureusement suivi, — de l’autre, des coupures nettes entre les divers membres, les parties, les périodes, et les phrases de sa harangue. — Non point qu’à l’état ordinaire, dans’ la vie quoditienne, il n’eût peine à exprimer, en parole ou par écrit, le flux désordonné de sa pensée. Mais sous cette vie de surface, sa vie profonde, subconsciente, était irrésistiblement orientée vers l’ordre, la clarté, l’unité. On le voit, sans doute possible, dans le travail souterrain que révèlent ses esquisses, et qui le montre toujours sous le premier jet, souvent confus, de l’inspiration originaire, creusant, pendant des jours, des mois, ou des années, ses galeries de taupe, qui ■— sur la foi de quelle obscure boussole ! — le mènent infailliblement aux formes es plus simples, les plus claires et le mieux ordonnées. Il devait donc s’accommoder encore mieux que ceux qui l’avaient précédé — que Mozart et Llaydn — de cette forme-Sonate, dont il leur devait le legs. Si, dans ses premières œuvres — (op. 2 n° 3 : sonate en ut majeur) —- il fait office de solide charpentier, plutôt que