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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Il faut ajouter qu’une transformation technique s’opère, au même temps, dans les moyens d’expression pianistique, sous la poussée directe du génie insatisfait de Beethoven ; et cette transformation, par contre-coup, a dû agir nécessairement sur sa pensée. Reichardt, observateur avisé, au cours de ses visites à Beethoven, pendant l’hiver de( 1808-1809, nous a laissé des notes capitales sur cette révolution du clavier :

« Sur le conseil et le désir de Beethoven, écrit-il, Streicher 1> renonçant à la mollesse de touche des autres instruments viennois, qui cède trop facilement et rebondit bruyamment, a donné à ses claviers plus de résistance et d’élasticité : en sorte que le virtuose qui met dans son exécution de l’énergie et du sens, soit plus maître de la touche, enfoncée ou levee, pour tenir le son et pour le prolonger. Ainsi, il a prêté à ses instruments u ?i caractère plus grand et plus varié. Tout virtuose qui ne cherche pas seulement l’éclat superficiel du jeu, y trouvera jjIus de satisfaction quen tout autre instrument. 1 2 » 1. La firme Streicher s’était, depuis 1802, détachée de la firme Stein-Strcicher, grands facteurs de claviers, établis à Vienne depuis 1794. Beethoven était et resta en rapports amicaux avec eux. 2. « Streicher liai das Weiche, zu leichl Nachgebende und prallend Rollende der anderen Wiener Instrumente verlassen, und auf Beelhoocns Rath und Begehren, seinen Inslrumenten mehr gegenhaUendes, Elastisches gegeben, damit der Virtuose, der mil Kraft und Bedeutung vortràgt, das Instrument zum Anhallen und Tragen, zu den seinen Druckern und Abziigen mehr in seiner Gewalt hal. Er liai dadurch seinen Instrumentcn einen grôssern und mannichfachern Charakier verschaffl : 80 dass sie jeden Virluosen, der nicht bloss das Leichlgldnzende in den Spiclart sucht, mehr wie jedes andere Instrument befriedigen müssen. » (Cf. Thayer, II, 556.)