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BEETHOVEN

place entre une fresque de la Sixtine et une tragédie de Corneille. Elle est de la même famille. Ainsi que chez ses sœurs, l’éclatante victoire est gagnée, peut-être, aux dépens du lendemain. — 11 en est ainsi de tout grand effort humain : tout triomphe de l’esprit est une ligne de faîte ; on n’y peut point camper ; après, il iaut descendre. Le chef-d’œuvre classique, que la servilité des écoles nous donne pour modèle, est presque toujours une réussite, qu’il serait mortel de prétendre renouveler.

La perfection de V Appassionata recèle deux dangers contraires. ■— Elle est caractérisée par l’empire de la raison sur les forces déchaînées. Les cléments tumultueux sont épurés, resserrés dans les formes strictes de la discipline classique. Ces formes sont, à la vérité, élargies, distendues, jusqu’à y faire entrer un peuple de passions. Une mer de sang y bruit. Mais elle est enfermée entre des colonnes cî’Hcrcule. Beethoven en a scellé les gonds et épaulé la porte, par une tension tenace et surhumaine de la volonté. Mais malheur à ceux qui suivront-, sans posséder ses poings et son biceps ! Car Beethoven a lâché dans la musique d’Occident des éléments sauvages, que sa puissante main seule était capable de discipliner.

L’autre danger est au pôle opposé du premier. Dans