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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

l’œuvre de Beethoven, tout est au paroxysme : la fureur des passions, mais aussi la rigueur de la raison volontaire Et celle-ci, appliquée à la forme-Sonate, qui prête déjà à l’abus de l’abstrait, à l’excès de la clarté oratoire, au plaisir pédantesque des points à développer, des divisions et subdivisions, des thèses et antithèses, au morcellement des parties isolées, risque d’aboutir à un certain idéal de la forme dénudée, au dessèchement des lignes, aux membres saignés à blanc, à ce néo-classique des Sonates impeccables d’école, qui sont comme le schéma, la formule algébrique ’ d’œuvres mortes en naissant. — Et certes, il va sans dire que le génie de Beethoven n’a jamais connu, lui-même, de tels risques : son trop-plein de vie le sauve : — et la Mort et Beethoven (pour reprendre le mot fameux) ne peuvent se regarder en face. Mais déjà, le danger s annonce en certaines œuvres célèbres, —• les plus célèbres, peut-être 1 —■ comme la Symphonie en ut mineur, où la dénudation, en quelque sorte anatomique, des muscles et des tendons du premier Allegro, fait du beau corps vivant un magnifique écorché 1 2.

1. A tort !... J’ai déjà rappelé que Beethoven protestait contre la première place attribuée, dans son œuvre, à la Symphonie en ut mineur. Il la décernait à Y Héroïque.

2. Je comprends, sans la partager, l’étrange antipathie avouée à l’égard de ce chef-d’œuvre, par des connaisseurs réfléchis, sensibles, mais un peu froids, comme Au gu U Haïra. Si la plus intense passion, ne vivifiait ces dessins d’un trait lourd, appuyé, assez banal, rien n’en resterait plus que des phrases de tribune et des gestes de forum. Pas une sorte de gageure, qui n’est que son procédé de style poussé à l’extrême, Beethoven a dépouillé son tableau de toute atmosphère