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BEETHOVEN

terrains artistiques, le théâtre était celui où Beethoven se trouvait le plus inexpérimenté. Mais l’obstacle l’attirait. Son orgueil voulait, dans leur dernier bastion, disputer la couronne à ses grands rivaux du passé : Gluck, Hændel et Mozart. Peut-être aussi, le théâtre faisait-il luire à ses yeux des illusions de fortune, que l’on ne s’est pas fait faute de lui reprocher. Ces vertueux Mentors, qui sem oncent Beethoven pour ses cris de misère, et sourient, dédaigneux, de ses efforts perpétuels, toujours vains, pour économiser ! Ils en parlent à leur aise ! Peut-il, pour un Beethoven, être sort plus humiliant que de devoir sa vie aux pensions — aux bonnes grâces — de riches protecteurs ! L’argent, c’est l’indépendance. Beethoven n’y a jamais atteint. Et son indépendance a dû être achetée durement par le combat, au jour le jour 1.

Avant d’engager celui-ci, dont il ne soupçonnait pas l’épuisante inutilité, contre tout ce monde du théâtre : librettistes, chanteurs, metteurs en scène, directeurs, et •— les pires de tous ! — les « connaisseurs », — qui finiront par avoir raison de lui, (ils sont le nombre contre le génie) — il aura un autre combat bien plus pénible à livrer : contre soi, contre son inexpérience de l’art du chant dramatique : Cherubini le lui dira sans ambages, et il lui remet, afin que Beethoven en fasse son profit, « VEcole du Conservatoire de Paris », que l’orgueilleux maître de Y Héroïque reçoit avec 1. Encore en 1823, malade, dans une ville de bains, il écrit à son neveu qu’il voudrait bien jouir « de la belle Nature ; mais nous sommes trop pauvres et il faut écrire ou de n’avoir pas de quoi » (en français dans le texte), 16 août 1823,