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BEETHOVEN

Qu’avait-elle donc, cette œuvre, à ses yeux, pour le lier ? Quel caractère unique ? Était-ce le sujet même ? Avant de l’examiner, un trait doit nous mettre en éveil. Au terme de ce libretlo, presque traduit du français, Beethoven introduit dans le chœur final — maestoso à quatre voix, puis tutti 1 — les paroles de Schiller :

— « Wer ein holdes Weib errungen stimm’ in unseren Jubel ein ! »

(« Qui a conquis une chère femme, qu’il s’unisse à notre allégresse ! »)

Et, les mêmes paroles, il les replacera, après vingt années, dans les chœurs à la Joie de la Neuvième Symphonie. Tant la pensée lui tenait à cœur !

Ce rêve de toute sa vie, — qu’il lui a été refusé de cueillir. Cette idéalisation de la femme et de la fidélité conjugale, dont il a maintenu la foi, en dépit de toutes les déceptions ! ■— Et je ne parle pas des refus qu’il essuya, mais des révélations amères que la vie lui apporta sur celles qu’il avait aimées 1 2 — et qui lui faisaient dire en 1817 à Nanni Giannatasio del Rio :

—• « Je n ai connu aucun mariage, dont, après quelque temps, l’un ou l’autre des conjoints n’ait regretté le faux pas. Et, du petit nombre de femmes, dont la possession m’eût paru jadis le bonheur suprême, j’ai par la suite fait la remar- 1. Donc, dans un mouvement plus solennel qu’on ne le prend aujourd’hui.

2. La chronique légère de Giulietta. Les affaires criminelles de la comtesse Erdody — pour ne citer que les deux femmes, dont l’amour et l’amitié ont tenu la première place en son cœur,