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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

T- a descente à l’abîme, et la remontée, ensuite, de la nuit au plein soleil : c’est l’impression maîtresse que produit Lconore.

Le tragique contraste et le crescendo de lumière ne sont pourtant réalisés avec maîtrise qu’à partir de la seconde moitié du premier acte — depuis l’air fameux de Leonore. Jusque là, Beethoven hésite, il se cherche ; il n’a qu’entrevu encore son vrai sujet. Quand il le découvre brusquement...

— « Ach ! brich noch nicht, du mattes Iierz !...1 » il est bouleversé, — projeté dans une tout autre région de la musique. Trop tard pour rétablir la transition du Singspiel à l’opéra, de la comédie moyenne à la grande tragédie !... Certes, la tâche n’était point aisée ; mais elle n’était pas au-dessus des forces d’un Beethoven. Mozart l’avait bien pu ! Et même, Gluck, dont Y Iphigénie en Aulide et YOrphée mêlent harmonieusement les plus hautes formes lyriques et les plus simples, les plus populaires... Mais Leonore était un début, pour Beethoven. En la commençant, il abordait une terra ignota. Et son tort (qui se comprend) fut que, faute de pouvoir embrasser l’ensemble, ce continent nouveau, d’un de ses coups d’œil d’aigle qui uominent les champs de bataille de Y Héroïque et de Y Ut mineur, il s’appliqua bien sagement à commencer par le commencement. Il suivit l’ordre des morceaux, avec une patience exemplaire et une ténacité inouïe 2, contraignant 1 « Ne te brise pas encore, cœur épuisé I » 2, Cf. Nottcbohm : Cahier d’Esquisses de 1803. — L’air de Marceline a nécessité quatre grandes esquisses et beaucoup de petites.