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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

deur sauvage — (et "Weber s’en est souvenu) — mais qui ne manque pas non plus de ridicule. Et dans la première version de la fin du premier acte (Pizarre. Rocco, Leonore ; — Pizarre et ses gardes), auprès de pages touchantes et assez neuves, règne une énorme convention d’opéra pompeux et déclamatoire. On dirait du Meverbeer avant la lettre 1 !... C’est ici la revanche — la punition, pourrait-on dire — de la sincérité ! Beethoven ne peut pas mentir. 11 a la nature d artiste la moins faite pour simuler des sentiments qu’il n’éprouve point. Il lui faut aimer, haïr, croire, se passionner. A fond. Rien à moitié !

Il aurait dû franchement commencer le drame en plein cœur, à l’air de Leonore et à la scène des Prisonniers. Mais pour cela, il eût eu besoin de s’appuyer sur un de ces grands librettistes, formés à l’école de Gluck. Il n’avait autour de lui que des médiocrités, des habitués de théâtre, qui ne se trouvaient nulle part aussi bien à leur aise que dans les fades conventions, mille fois ressassées. Débutant au théâtre, il n’avait pas l’autorité pour leur donner l’assaut, comme Gluck. Encore moins, comme Gluck, la santé, l’encolure, pour monter sur la scène et livrer bataille, du geste et de la gueule, à tous ces routiniers, à tous ces menteurs : les acteurs, les chanteurs, les choristes et les instrumentistes, le librettiste et le metteur en scène !... Il était un infirme. Il n’entendait qu’à moitié. ïi risquait qu’on lui dit : — « De quoi vous mêlez-vous ? Vous êtes sourd... b 11 accepta donc. Il partit, des conventions établies.

1. De même, dans le lerzcllo n° 6 (Marceline, Leonore, Rocco),