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BEETHOVEN

le plan intérieur ; ou, pour user d’une métaphore qui est l’opposé de la première et qui est peut-être plus exacte, ce sont les racines du drame dans l’âme universelle. Les antiques avaient, pour remplir un tel rôle, le Chœur ces tragédies, mais ils ne disposaient pas des moyens surhumains de la symphonie moderne, de ces Chœurs sans paroles, ces Océanides de l’orchestre, qui viennent battre de leurs vagin s le rocher de Prométhée.

Beethoven a été, toute sa vie, obscurément tourmenté de l’introduction de cette forme lyrique nouvelle dans l’art musico-dramatique. De même que nous le verrou5, dans la Symphonie avec chœurs, tâtonner sans fin avant de décider sous quelle forme, à quel moment précis, la voix surgira, comme la déesse Ionienne, de la mer instrumentale, — de même, dans Leonore, il cherche, par un instinct puissant, qu’aucun exemple ne guide, les routes qui conduisent, en sens inverse, du dialogue chanté au chœur de la symphonie. Mais s’il le réalise, pour lui, pour sa joie propre, comment aurait-il le crédit de l’imposer sur un théâtre de Vienne, devant la Routine assemblée ? Il est trop en avance, trop seul, et la force de conviction finit par lui manquer. Il renonce à intégrer sa symphonie à l’œuvre, dont elle est sans jeu de mots —- le chœur, et ie cœur. A nous de l’y replacer !

Je sais que cette innovation se heurte encore à beaucoup de résistances. Toutes les traditions du théâtre musical s’opposent à ce monstre nouveau : une ouverture dans le corps d’un acte. Un connaisseur aussi éclairé que Hermann W. von Waltershausen traite de a catastrophe dramatique s