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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

œuvres E Mais sa surdité, d’origine labyrinthique, présentait ceci de particulier que, si elle le retranchait du monde extérieur, elle avait l’avantage de maintenir ses centres auditijs dans un état constant d’excitation, en produisant des vibrations musicales et des bourdonnements qu’il percevait parfois avec tant d’intensité... Si elle avait supprimé les vibrations extérieures, elle avait augmenté les bruits intérieurs... » Il sc pourrait donc qu’elle eût chargé sa palette de couleurs nouvelles* et qu’elle lui communiquât une exaltation auditive, certes souvent pénible, tyrannique, obsédante, mais qui devait souvent aussi s’accompagner d’euphorie 2. interrogeons en effet les cahiers d’observations médicales 3. — Les malades atteints de labyrinthite entendent souvent, dit le Dr Marage, de beaux airs instrumentaux, des chants splendides qui les illuminent, mais qu’ils s’épuisent 1. « J’ai connu, ajoute-t-il dans une lettre, quelques cas de surdité complète pour tous les sons, sans bourdonnements : les sujets étaient atteints d’une mélancolie profonde et voulaient vivre seuls, à l’écart. Ils n’avaient pas de poussées congestives ni de périodes d’excitation. Si Beethoven avait eu ce genre de surdité, je crois qu’il n’aurait jamais été le grand musicien... »

2. C’est l’aspect que Beethoven, composant, offre à ceux qui l’observent. A quel point les douleurs même de Beethoven pouvaient l’accompagner d’euphorie créatrice, le montre un fait, attesté par Wegeler, qui en fut témoin : — Deux jours avant, la première exécution de son premier Concerto pour piano en ut majeur, (vraisemblablement au printemps de 1800), Beethoven, en proie à une crise violente de douleurs intestinales, écrivit le joyeux Rondo du Concerto (Cf, Beethoven als Freund der Familie Wegeler, p. 44.) 3. Dr Marage : Fonctionnement de l’oreille à l’état pathologique, 1910.

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