Page:Rolland - Beethoven, 1.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
306
BEETHOVEN

à saisir, sans pouvoir les retenir au passage. (Ne reconnaissons-nous pas Beethoven, à travers rues et champs, à la chasse de ses hallucinations ?)

Mais en dehors de cette ivresse, qu’il n’est pas rare en effet de sentir dans ses œuvres, jusqu’à la frénésie, est-il dans sa musique des traits caractéristiques qu’on puisse attribuer à ces excitations ? Et à partir de quand ? Le Dr Marage voudrait faire remonter à 1796 l’origine des bourdonnements. Je ne me permettrai point de discuter son raisonnement médical 1, bien que, d’après les lettres de Beethoven que j’ai citées, je ne puisse remonter au delà de 1798. Mais, musicalement, il m’est bien difficile de relever un changement dans sa sensibilité. En tout cas, il ne paraît pas affecter avant 1800 — (au plus tôt) — l’invention harmonique et la modulation. Celles-ci sont beau coup moins complexes et « dissonantes », au sens de l’école, que chez Haydn et Mozart, pour ne point parler, naturellement, de Jean-Sébastien. Il est peu de musique plus fermement consonnante ; et aucun maître, sauf Hændel, n’a manifesté un amour aussi immodéré pour l’accord parfait. Mais l’influence pathologique se serait-elle exercée justement dans le sens de cette uniformité, de cette affirmation appuyée, de ces coupes carrées, que nous notions 1. « Car, dit-il, si l’origine labyrinthique est établie, ce genre d’afjection débute toujours par des bourdonnements. Or, la lettre à Amenda de 1801 semble marquer une perle de 60 °/° d’audition. Pour en arriver là, il a fallu au moins trois ans, époque où l’acuité pour les sons aigus a baissé. Ajoutez deux ans de bourdonnements sans surdité : vous avez 1796. »